Énoncer son âge, son numéro de téléphone ou le nombre de pas qu’on a fièrement parcouru… Autant d’utilisations anodines des nombres. La numérotation est pratiquée partout sur le globe, à l’oral, à l’écrit ou en mime.
Un, deux… beaucoup !
Pour compter des objets, il est possible de dessiner inlassablement des traits verticaux pour les représenter individuellement. Mais la lisibilité décroît au-delà de quelques unités. Une stratégie pertinente serait le regroupement de traits verticaux pour faciliter le décompte - il n’y aurait plus qu’à quantifier le nombre de paquets formés. Ainsi, en connaissant le nombre de traits contenus dans chaque paquet, la lecture de la quantité totale est plus simple.
La volonté de simplifier la représentation de quantités volumineuses et d’exprimer rapidement les valeurs justifie la création de systèmes de numération. Ce sont des ensembles de règles qui régissent la représentation des nombres - à l’oral, à l’écrit ou en mime, en déterminant le type de symboles utilisés et la manière de les agencer pour former la quantité à décrire. Par exemple, le dessin de traits individuels constitue le système unaire - ou de base 1, formé d’un seul symbole (un trait par unité). Le nombre de traits à regrouper pour créer un paquet est appelé “base du système”.
Ranger les nombres : les plus petits devant
La numération décimale - ou de base 10 - tend à s’imposer au monde. Les symboles utilisés sont les 10 chiffres indo-arabes (de 0 à 9) et les nombres sont formés en employant une notation basée sur la position. Cette notation doit permettre une exploitation pertinente de la base, il s’agit d’associer le symbole avec sa position pour créer la valeur. Dans le système décimal, si un chiffre est le deuxième en partant de la droite il représente les dizaines.
Une autre manière d’associer les symboles pour former un nombre serait de les additionner. La numération romaine s’appuie sur cette notation additive. Il s’agit premièrement de compter le nombre de symboles identiques de gauche à droite. Puis si un symbole précède un autre de valeur supérieure il convient de soustraire le plus petit à la valeur du plus élevé.
Des mains à la base
Ce système de base 10 est pratique lorsqu’il s’agit de compter avec ses doigts. Cependant, une autre utilisation de nos doigts comme calculatrice portable est envisageable. Certaines civilisations actuelles profitent de leurs phalanges. En comptant - avec le pouce - sur les trois phalanges de chaque doigt d’une main et en se servant de l’autre main pour les retenues on peut atteindre 60.
Par ailleurs, pour quantifier le temps qui s’écoule - au-delà de la seconde - des paquets de 60 sont formés pour créer les minutes, puis les heures. Cette manière de compter le temps est liée à la vision cyclique qu’offre l’horloge et à la mesure des angles - un tour complet comporte 360° et chaque degré est divisé en 60 minutes d’angles, elles-mêmes divisées en 60 secondes d’angles de tailles égales.
Oui et non
En informatique et en électronique, les opérations commandées aux ordinateurs sont fondées sur le passage ou non du courant électrique dans ses circuits. Autrement dit, les deux seuls chiffres nécessaires à la traduction des instructions en calculs réalisables par les outils informatiques sont le 0 (absence de courant) et le 1 (présence de courant). Le système décimal n’est pas pertinent dans cette discipline, où il est remplacé par le système binaire. Ce-dernier est constitué de deux chiffres seulement (le 0 et le 1) appelés bits, qui permettent néanmoins de représenter toutes les quantités.
Ensuite, les bits peuvent être groupés par huit pour exprimer la taille d’un fichier informatique. Ces groupes de huit bits forment des octets et servent d’unité pour la capacité de mémoire des disques durs par exemple. Ainsi, une nouvelle base - générant le système octal - est créée car elle est pratique pour cet usage.
Afin de réduire encore la taille des nombres représentés dans le système binaire - avec des 0 et des 1 uniquement - la base hexadécimale (16) est également utilisée. Elle est plus compacte que la base binaire (2) car à un chiffre en base 16 correspondent 4 chiffres en base 2. Cela est avantageux lorsqu’il s’agit d’écrire le code informatique d’une couleur à afficher, car la base hexadécimale permet un codage moins diffus qu’en base 2. En effet, alors qu’une suite de 24 bits (équivalents à 3 octets) est nécessaire pour attribuer une couleur à un pixel de l’écran, l’index d’une couleur en hexadécimal ne comptera que 6 chiffres.
Finalement, un nombre n’est pas lié à son écriture dans le système décimal et la quantité qu’il traduit existe au-delà de sa représentation. Le nombre seul ne signifie rien, la valeur qu’il représente n’est évocatrice que par comparaison aux autres quantités. Certaines manières de représenter les nombres sont plus ou moins pertinentes en fonction des contextes d’utilisation et il est également possible de créer son propre système de numération, en témoigne le système bibi-binaire [1] !
En savoir plus
[1] Un exemple de système de numération inventé : Thomas Portier, « Le bibibinaire, ovni mathématique », Le Monde, 22 juin 2002, p. 33
Une formalisation des systèmes de numération : Aviezri S. Fraenkel (1985) Systems of Numeration, The American Mathematical Monthly, 92:2, 105-114, DOI: 10.1080/00029890.1985.11971550
Article paru dans Je Science donc J'écris n°26 - Mars 2021